Edito pour le numéro de Gestion de Fortune d'octobre 2024
Dans la torpeur de l’été, le législateur nous a offert le PEAC, Plan Epargne Avenir Climat, réservé exclusivement aux jeunes de moins de 21 ans pour investir dans la transition écologique. Comme pour le Livret A, les versements effectués sont limités à 22 950 euros.
Les sommes versées doivent obligatoirement être investies sur des supports financiers qui affichent le label ISR (Investissement socialement responsable) ou le label France finance verte (ex Greenfin). Le label ISR rassemble 1121 fonds et devrait recevoir l’essentiel de la collecte sans financer la transition, ces fonds achetant des sociétés en bourse. Le Label France finance verte compte 48 fonds dont seulement 4 (des FCPR) financent avec certitude la transition.
Cela aurait pu être un outil d’éducation financière en permettant des versements programmés qui auraient habitué les Français aux vertus d’une épargne régulière. Ce ne le sera pas.
Le Label ISR ne réduit que de 15% l’intensité carbone d’un portefeuille et ne se donne comme nouvelle contrainte que de ne plus investir dans les entreprises d’énergie (4% du poids des indices) développant de nouveaux projets dans les énergies fossiles. C’est du greenwashing que de laisser penser que le Label ISR a pour vocation d’investir dans la transition écologique. C’est rater la cible alors qu’il faudra investir en faveur du climat 58 milliards € de plus entre 2024 et 2030 (source I4CE).
Il y a peu, on nous expliquait encore que le Label ISR devait rester généraliste, ne pas trop renforcer son orientation climatique mais finalement il suffira bien à remplir les PEAC.
Au final, le produit a valu au site Zone Bourse de résumer : « un taux non garanti, mais sans avoir la main sur les investissements réalisés… le PEAC semble réunir le pire du PEA et du Livret A ! »
Le ministre de l’Economie table sur une collecte d’1 Md€ par an pour les PEAC soit en moyenne 1500€ par plan, pour 700 000 nouveaux-nés par an en France. Au final, combien en seront titulaires : 10% chaque année ? Ouvert à la naissance, le titulaire a 18 ans d’horizon de placement devant lui. A 6% de performance annuelle, chaque jeune Français se retrouverait à sa majorité avec plus de 4000€, de quoi financer bien des dépenses. Voilà un beau projet : réduire les inégalités financières et financer la transition qui permet également de les réduire. On pourrait imaginer qu’une partie des quotas carbone payés par les plus gros émetteurs de CO2 soient fléchés vers les PEAC. Une taxe carbone bien plus vertueuse que de changer les fenêtres comme trop souvent dans le cadre des rénovations énergétiques subventionnées.
L’ambition n’est pas au rendez vous alors que des offres de fonds dans le non coté commencent à apparaître pour financer concrètement les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, les solutions bas carbone ou l’adaptation climatique. Ces offres sont encore inaccessibles pour les clients privés (avec des tickets à plus de 100 000€) que le PEAC gagnerait à démocratiser.
Enfin, le risque existe de voir les PEAC affublés de frais élevés comme pour le PER : 3% en moyenne en 2021 rien qu’en frais de gestion cumulés (source : Comité consultatif du secteur financier, CCSF). Un niveau qui réduit de moitié l’espérance de gains !
Au final, le PEAC s’ajoute à la longue liste des produits financiers réglementés. Une ouverture du PEA Jeune aux nouveaux nés aurait fait l’affaire. Espérons qu'avec le PEAC nous avons atteint cette fois le « PEAK » de réglementation qu’il est temps de simplifier pour financer ce qui compte vraiment et dégonfler la dette écologique rappelée à juste titre par le Michel Barnier, le nouveau Premier Ministre.
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