Le réchauffement climatique est une réalité scientifiquement établie que l’économie a trop tardé à prendre en considération, au vu de la valeur négative des « externalités ». Le prix carbone et sa facturation permettent de répondre à l’enjeu : faire entrer les émissions dans le radar des entreprises.
Depuis 1990, rapports après rapports, le GIEC nous envoie un signal de plus en plus fort pour confirmer que le changement climatique est bien d’origine humaine, par la combustion des énergies fossiles depuis 1850, début de la société industrielle. Nos sociétés et nos économies fonctionnent à partir des énergies fossiles : charbon, pétrole et gaz. En les brûlant, le monde émet 40 milliards de tonnes de CO2 par an. Tout le monde, particuliers et entreprises, en émet, mais certains secteurs plus que d’autres. Le carbone est un sujet de chercheurs, collectivement et médiatiquement porté par le GIEC. On parle pour la première fois de réduction des émissions de gaz à effet de serre avec le protocole de Kyoto en décembre 1997. Il est entré en vigueur en février 2005. En France, il y a eu le Grenelle de l’environnement en 2010. L’Accord de Paris sur le climat de 2015, ratifié par 197 pays, engage les signataires dans des objectifs pour la première fois quantifiés. La France s’est engagée à avoir réduit en 2030 de 40 % ses émissions par rapport à la référence de 1990.
Risques physiques et de transition
Il existe deux types de risques associés au changement climatique. Les risques physiques, les plus directs et tangibles : l’élévation du niveau de la mer, les canicules et les sécheresses. On imagine les conséquences financières considérables, mais il est difficile (quoique pas impossible) de les quantifier. Les risques de transition expriment les coûts pour l’entreprise associés à la transformation vers un monde bas-carbone. L’entreprise devra modifier parfois en profondeur son modèle d’affaires et en supporter les conséquences. La réglementation pourra généraliser la tarification du carbone. C’est un coût qui n’existait pas auparavant, et qu’il va falloir supporter.
La piste de l’extrafinancier
L’extra-financier naît en 1997 en France avec le cabinet Arese, qui collecte des centaines d’indicateurs combinés dans une note ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance). En 2019, dans un article célèbre1 , le chercheur américain Florian Berg a analysé en profondeur la notation ESG et identifié ses biais de construction. Une même lecture ESG de 1 200 entreprises internationales par deux grandes agences (Sustainalytics et RobecoSAM) devrait aligner les notes sur une diagonale. En fait, les notes ESG sont très divergentes. Face à la nouvelle réalité climatique, la notation ESG formule des notes sur 10. Que peut-on bien en faire ?
L’épée de Damoclès des externalités
Le carbone est un sujet de chercheurs, collectivement et médiatiquement porté par le GIEC. On parle pour la première fois de réduction des émissions de gaz à effet de serre avec le protocole de Kyoto en décembre 1997. Il est entré en vigueur en février 2005. En France, il y a eu le Grenelle de l’environnement en 2010. L’Accord de Paris sur le climat de 2015, ratifié par 197 pays, engage les signataires dans des objectifs pour la première fois quantifiés. La France s’est engagée à avoir réduit en 2030 de 40 % ses émissions par rapport à la référence de 1990.
La vision d’Axylia
Partant d’une interpellation d’un client investisseur, insatisfait de la notation ESG, nous nous sommes donnés comme exigence chez Axylia de trouver un indicateur universel simple mais représentatif, et pilotable par toutes les parties : l’investisseur comme l’entreprise. L’inverse de la notation ESG. Nous avons choisi de donner un prix aux émissions de CO2 pour les faire entrer dans le radar des entreprises. Il est d’usage de compter les émissions directes réalisées au sein de l’entreprise. Nous avons choisi un principe pollueur-payeur étendu, reconnaissant à l’entreprise la responsabilité des émissions indirectes de CO2 associées à son « scope 3 ». Par exemple, dans l’automobile, 80 % des émissions globales sont liées aux déplacements. L’écoconduite peut les réduire de 10 %, les 90 % restant devront l’être par le fabricant. Le CDP2 nous apprend que le scope 3 représente en moyenne 80 % des émissions totales des entreprises. Il nous a paru difficile de ne pas en tenir compte. En 2019, au début de nos travaux, il existait le système européen des quotas d’émissions, SEQE3 ou encore EU ETS. Ce marché souffrait d’une gestion politique (octroi de quotas gratuits) et ne concernait que 45 % des émissions, maintenant le prix de la tonne de CO2 entre 5 et 20 euros depuis sa création en 2005. Le programme « Fit for 55 » 4 de la Commission européenne pourrait faire monter le prix du quota jusqu’à environ 130 euros.
Le choix d’un prix de référence
Le coût du changement climatique pour les entreprises est le plus faible dans un scénario de transition ordonnée, dont la tarification du carbone fait partie. Elle accélère l’innovation dans les technologies bas carbone ; les entreprises réglementées par l’ETS déposent 10 % de brevets en plus. Une taxe carbone est modérément inflationniste, de façon variable, mais bien moins que les événements météorologiques extrêmes qui réduisent les ressources disponibles pour la consommation. Selon la théorie, il existe une taxe carbone optimale égale au coût social du carbone, soit les dommages au bien-être causés par une unité de carbone au cours de sa durée de vie dans l’atmosphère. Les principales conclusions vont de 26 dollars par tonne de CO2 à 250 dollars constatés par le rapport Stern. Le Réseau des banques centrales européennes avance un prix de 160 euros pour atteindre zéro émission nette en 2050. Nous avons trouvé notre prix de référence dans les publications du GIEC, notamment le rapport 1.5°C de 2018. En 2019, la tonne était à 100 euros pour un scénario + 1,75°C, cinq fois plus que le quota européen, mais les bases de calcul par les économistes du climat nous ont paru plus universelles et solides pour constituer la référence. Son prix progresse dans le temps avec l’ambition de décarbonation : 127 euros en 2022 et 650 euros en 2050.
Avènement de la facturation du carbone
Nous avions les deux éléments d’une « Facture Carbone » : trois scopes d’émissions et un prix pour les valoriser. Il nous restait à la déduire de l’Ebitda 5 . L’intensité de destruction d’Ebitda est donnée par le « Score Carbone Axylia », visualisée sur une échelle de A à F, du vert au rouge. Les sociétés qui ne publient pas leurs émissions ont un score ND. En 2023, Yann Leriche, DG de Getlink, déclare : « Demain, le carbone sera payant. » (Challenges, juin 2023). Notre conviction est qu’en rentrant dans leur radar financier, la facture carbone concentrera l’attention des entreprises, qui se mettront en ordre de marche pour la ramener à zéro. Une des critiques faite à cette approche est qu’elle n’utilise qu’un indicateur. Nous pensons que, pour réussir, il faut commencer et concentrer les efforts sur un premier indicateur pertinent, qui est très exigeant et traduit aussi l’urgence. Le changement climatique est susceptible d’empêcher que soient atteints d’autres objectifs majeurs, sociaux notamment. Ce qui ne veut pas dire que, selon son activité, l’entreprise ne doit pas s’intéresser à d’autres indicateurs, comme la biodiversité, par ailleurs, intimement liée au changement climatique, comme déjà montré par les chercheurs de l’IPBES6 . La corrélation du CO2 avec d’autres sujets est forte. Le gouvernement vient de publier une liste de douze sites industriels gros consommateurs d’eau ou implantés dans des régions en stress hydrique : cinq sites sont aussi parmi les plus gros émetteurs de CO2. Les émissions de CO2 sont le premier indicateur retenu par l’International Sustainability Standards Board (ISSB), présidé par Emmanuel Faber.
Une nouvelle communication
Depuis 2019, nous avons présenté le Score Carbone à plus de 40 grandes entreprises. En 2023, nous observons une bascule dans la communication financière des entreprises cotées. Cette année, 14 sociétés publient leur score carbone, dont LVMH, Getlink, Neoen, Thermador Group, Spie, ST Micro, Bureau Veritas, Legrand, Rémy Cointreau, l’ajoutent aux notes ESG dans leur « déclaration de performance extra-financière » (DPEF), ou en parlent sur les réseaux sociaux (c’est le cas de Getlink). Toutes mettent en avant un score simple, clair et efficace. Nous avons poussé le raisonnement un cran plus loin en construisant un nouvel indice boursier, le « Vérité40 », composé d’entreprises capables de payer leur facture carbone. Depuis trois ans, le site Novethic en suit la mise à jour avec un article qui cette année approche les 1 000 likes sur LinkedIn. Le plus grand public semble bien en attente d’un autre récit de la part des entreprises.
Des trajectoires à approfondir
Axylia a étudié les engagements des entreprises validés par l’initiative Science Based Targets (SBTi), la référence en matière climatique au niveau mondial. Plus de 5 000 entreprises ont pris des engagements climatiques et 2 700 ont fait valider leurs objectifs, à différents niveaux (court terme, long terme, neutralité carbone). Pour ce faire, nous avons retenu 800 des 1 000 entreprises cotées en Bourse validées SBTi. Le principal problème porte sur les 11 % des objectifs pris sur les scopes 1 et 2 et qui sont exprimés en intensité énergétique. Ils représentent 53 % des émissions. Ils peuvent être illusoires s’ils n’entraînent pas de réduction en volume des émissions de CO2. Seuls les objectifs en valeur absolue permettent de réduire à coup sûr les émissions, avec un effet positif sur le climat. Sans surprise, ce sont les secteurs de l’acier, du ciment et de l’aérien, très carbo-intensifs, qui sont les premiers concernés. Dans l’aérien, les gains en intensité seraient totalement annihilés par la hausse attendue du trafic. Autre limite de l’initiative SBTi pointée par notre étude, la prise en compte du scope 3, qui n’est exigée que quand il représente au moins 40 % des émissions totales. Selon Axylia, une entreprise sur cinq n’a pas d’objectif scope 3, et 36 % des émissions totales ne sont pas couvertes par des objectifs en valeur absolue pour ce scope. Cela concerne principalement le secteur bancaire. Lila Karbassi, présidente de SBTi, reconnaît la « complexité de l’exercice » : « Rien n’est jamais parfait. Nous atteignons des limites face au défi du siècle qu’est l’urgence climatique. Il n’y a pas de solution toute faite et certains secteurs sont très difficiles à décarboner. L’idée est aussi de montrer ce qui fonctionne et reconnaître les progrès. Il y a beaucoup de bonne volonté. Le bilan depuis la création de SBTi en 2015 dépasse nos attentes. Mais par rapport à l’urgence climatique, on est loin du compte parce qu’on a des années de retard. L’idée n’est pas non plus de mettre la barre trop haut et que personne ne nous suive. Notre ambition s’inscrit dans une démarche de progression afin de tirer les entreprises vers le haut. »
Une portée politique
Dans la torpeur de l’été, l’agence Standard & Poor’s a décidé de supprimer les notes ESG de ses ratings de crédit. Il nous semble que le temps est venu de compter ce qui compte vraiment. Le changement climatique est la mère de toutes les batailles. Demain, les profit warnings deviendront des carbon adjusted profit warnings. Derrière ce nouvel indicateur, le message politique et philosophique pointe. Une entreprise qui crée des profits mais génère des externalités voit sa licence to operate remise en question. Emmanuel Faber, président de l’ISSB, a écrit récemment que « tout dividende versé au-delà de ce bénéfice ajusté de la charge carbone est prélevé sur l’avenir ». Il faut inventer une nouvelle croissance, un nouveau bien-être. Il sera très largement décarboné. La vitesse du réchauffement climatique nous obligera sûrement à le faire beaucoup plus vite que prévu.
Source : https://www.ilec.asso.fr/uploads/media/6527b43773169599154979.pdf
Comments